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Douze poèmes d'Edouard Limonov
Je ne saurais trop vous recommander ANTIFIXION, le site de l'écrivain et traducteur Thierry Marignac :
http://antifixion.blogspot.ru/ Vous y trouverez de nombreux textes consacrés à Edouard Limonov. Et la traduction de poèmes de Limonov (avec les rimes).
"Les
vers d’Édouard Limonov exigent, c’est connu, que le lecteur soit préparé. Ce qui semble excentrique dans ces vers, n’est en réalité rien d’autre que le développement naturel de la poésie
dont les fondements ont été posés par Lomonossov, et que se sont appropriés au XXe siècle Khlebnikov et les poètes du groupe Oberiou(1). Ce qui rapproche l’œuvre de Limonov de celle de ces derniers, c’est le profond tragique de son contenu,
revêtu, en général, d’un habit extraordinairement léger d’esthétisme volontaire, frisant parfois le maniérisme. La circonstance distinguant Limonov du
groupe Oberiou, et de tous les poètes vivants et morts, c’est que le style chez lui, si audacieux soit-il (il faut remarquer la surabondance d’inversions dans ses vers) n’est jamais une fin en soi, mais une illustration supplémentaire
d’un haut niveau de trouble émotionnel – c’est à dire le pain dont se nourrit la poésie. Édouard Limonov est un poète
qui a pris, mieux que tant d’autres, conscience que le chemin vers la clairvoyance philosophique ne se trouve pas tant dans thèse et antithèse, mais plutôt dans le langage lui-même, débarrassé de tout ce qui est
superflu."
Iossif Brodski, prix Nobel de poésie 1987. Préface au recueil de Limonov "Mon héros négatif"
(voir une poésie de ce recueil, plus bas)
(1) GROUPE DE POÈTES DE LÉNINGRAD (1927-1930) , LITTÉRALEMENT UNION DE L’ART RÉEL, CULTIVANT
LA POÉSIE DE L’ABSURDE, SOUS L’INFLUENCE DE KHLEBNIKOV. ----- -----
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2007 - Limonov et sa femme de l'époque, l'actrice Ekaterina Volkova.
Enfile ta veste et va jouer des coudes sous la tente Il est temps d’une vie mondaine servir de composante Pour que
champagne en main, sous la lueur du gaz brûlant, Tu te dresses. Cerné du germe de la vie mondaine, purulent. Tu viens débusquer la beauté, ayant vu ton comptant de cauchemars, Tu descends, chercheur de beauté, du piédestal d’ancien taulard. Courant d’air, souffle, fumée, odeur de lieu inquiet Ça ne me suffira jamais, tout ça ne suffira jamais…
La vie mondaine, huitres et champagne mélangeant Ne m’ont pas tué des prisons le contingent Bandits et
voyous en pagaille Et quelles que soient les belles dont je n’ai pu serrer la taille De Saratov, sombre centrale, l'image se grave en moi sans faille
Notre « trio », sous l’escalier, lascars en ordre strict Jusqu’à l’éclipse
lunaire totale, chacun risquait verdict Les bulles de Veuve Cliquot meurent sur la langue, délétères, Même en veste avec du
fric, les gars je suis un Frère Je n’ai pas oublié des prisons et des gares l’odeur funèbre, Ça ne me suffira jamais,
rien de tout ça jamais, ténèbres… Enfile ta veste et va jouer des coudes sous la tente Il est temps d’une vie mondaine servir de composante… ©Édouard
Limonov, A Старый пират ( Mais le vieux pirate). Editions ad marginem, Moscou, 2010.
(Traduction : Thierry Marignac)
СВЕТСКАЯ ЖИЗНЬ Надевай свой пиджак и иди потолкаться
под тентом Светской жизни пора послужить компонентом Чтоб с бокалом шампанского, в свете горяшего газа Ты стоял.
А вокруг – светской жизни зараза... Ты пришел за красивым, ужасного видел немало, За красивым сошёл,
бывший зек, с пьедестала. Ветерок, дуновение, запах тревожного зала Мне всегда будет мало, всего и всегда будет мало... Светской жизнью, где устрицы вместе с шанпанским, Не убить мне контенгентом Бандитским и шпанским
И какой бы красавиц талию я не сжимал Буду помнить Саратовский мрачный централ. Наш «третьяк», и под лестницей все мы стоим пацаны И у всех нас срока до замениев полных луни. Пузырки «Veuve Cliquot » умирают на языке Пацаны, я ваш Брат, хоть при «бабочке» и в пиджаке. Я совсем не забыл скорбный запах
тюрьмы и вокзала, Мне всегда будет мало, всего и всегда будет мало... Надевай свой пиджак и иди потолкаться
под тентом Светской жизни пора послужить компонентом... © Э. Лимонов, A Старый пират,
ad marginem, Москва, 2010. ----- ----- ----- ----- -----
LE POUVOIR EST UNE LIONNE
CENDRILLON ENCEINTE : recueil de poèmes - 2015
Moscou 2015
Le pouvoir, a levé la patte, tel un sphinx puissant, Il menace et rugit,
montre les dents du loup Le pouvoir — est une lionne, et n’agitera pas sa queue pour nous, Mais leur frottera les
côtes, à coups de barre, violemment… Le pouvoir rend la mort et le sang, d’un corps souillé.
S’élance, et nous brise les os, offensive. Avec sa proie, grinçant, acharné, Traîne le téméraire vers les rocs de la rive. Et là se met à dévorer,
par le ventre et l’aine commençant, La victime vit encore, et d’une jaune prunelle, Contemple, muette,
à peine dans son état conscient : « Elle me mâche ! » et… horreur, en rondelles… Le ressac lave le sang, sur la chair de la poitrine, grésillant. Des nuages le Seigneur observe, fronçant
le sourcil, Il ne trouve pas ça comme il faut, de sa soutane ses yeux voilant, Voilà l’amour
des puissances, semble-t-il… La lionne a une croupe d’acier, toutes ses pattes sont métalliques,
Dans ses yeux un arc au tungstène étincelle, Du Walhalla, elle est habituée à entendre l’appel, À ses griffes et ses crocs on ajoutait des cornes rustiques.
(Traduction : Thierry Marignac) Власть львица Власть мощным сфинксом лапу подымает Грозит,
оскалясь пастью, и рычит Власть – львица, и хвостом нам львица не виляет, Но сильным, как прутом, им по боку стучит…
Власть смертью отдаёт и кровью, грязным телом. Бросается и сбив, ломает кости нам,
С добычею своей, храпя остервенело, Волочит храбреца к прибрежным валунам…
Там начинает жрать, живот и пах в начале, Страдалец ещё жив, и в желтые зрачки Он
смотрит, онемев, в своем ума едва ли: «Она меня жует!» и… ужаса куски… Прибой смывает кровь, шипя над грудной мяса Из облака Господь взирает, выгнув бровь Ему не comme
il faut, глаза прикрыл он рясой… Такая вот она, державная любовь… У львицы круп стальной, все лапы из металла В глаза её искрит вольфрамова дуга, Привыкла отвечать
на позывной «Валгалла» В комплект клыков-когтей добавлены рога… Эдуард Лимонов, Золушка
береманая. ----- ----- ----- ----- -----
Gloire à la Russie Traduit
du russe par Thierry Marignac
Tournoie et roule la rose des vents. Comme une pleine
lune tu seras bien portant. Déchirantes, les crises d’asthme cesseront Good tout sera good, les
cieux s'éclairciront.
Good sera un beau temps éclatant. De l’oligarchie s’arrache la petite
amie. Comme toi baobab, une palme parapluie, Cette greluche vivra encore trois ou quatre ans.
Jeune, verte et juteuse à l’intérieur Sers t’en si tu veux, si tu veux contemple-la d’ailleurs…
Le soleil s’élève comme un acrobate, Le jour s’allonge comme le soldat grossit, Épuisé, à
la cambrousse parti Installé chez une veuve,nouveau venu, dernier en date…
Good sera la nation, remarquablement, La clique des tchékistes bientôt kapout complètement Se dissipent les nuages noirs irréversiblement Le soleil nous déverse les armes du régiment.
Comme elles brillent,étincellent, et s’annoncent. Gloire à la Russie ! Comme aux jours d’autrefois ! Gloire à la Russie ! Et pour nos armes, hourra ! C’est
l’heure du laiton, et le temps du bronze ! Oublions, audacieux, des héros la plastique matière, Good est parfait,
dans le soulèvement des masses fières.
Слава России !
Крутится,вертится роза ветров, Тыкак полнолунную будешь здоров. Астмыколючей припадки пройдут, Небоочистится good будет good.
Good будет полный,
прекрасный погод. Отолигарха подруга уйдёт. Зонтичнойпальмой, с тобой, баобаб, Нескольколет проживёт этот баб.
Юный,зелёный и сочный внутри, Хочешь – используй, а хочешь – смотри…
Солнц евзбирается как акробат День прибавляет, как в весе солдат, Что истощённый, в деревню прибрёл И увдовы загостил, новосёл…
Будет в стране замечательный good, Клике чекистов наступит капут, Вскроются черные все облака Солнце зальёт нам орудья полка.
Изаблестят, засияют они. Слава России! Как в прошлые дни! Слава России! Орудьям – Ура! Время
латуни и бронзе пора ! Смело забудем героев пластмасс, Good будет полный с восстанием масс… Édouard Limonov, Mais le Vieux Pirate, Ad Marginem, Moscou, 2010 ----- ----- ----- ----- -----
Lorsque s’interrompent les vols réguliers
Au début de la guerre civile Lorsque la princesse Grâce va s’échapper De ce pays maudit et vil, Lorsque les ambassades étrangères odieuses Seront froides et ténébreuses Lorsque les provisions en supermarché Ne seront
déjà plus livrées… Alors des bandes de jeunes apparaîtront Hordes d’adolescents patibulaires en cavale Et comme du Noir Ouganda les cannibales D’un
bout à l’autre de l’année se déchaîneront. La ville jonchée de cadavres
frais, Et un troupeau de chiens errants, « Aux portes les touloupes, les capotes, les gilets »
Impossible qu’il en soit autrement… Edward Limonov, 2015. (Traduction : Thierry Marignac)
Когда прекращаются авиарейсы С началом гражданской войны, Когда убегают принцессы Грейсы «Из этой проклятой страны»,
Когда иностранные злые посольства Стоят холодны и темны, Когда в супермаркеты продовольства Уже не завезены...
Тогда появляются юные банды, Подростков угрюмых орда, И, как людоеды из чёрной Уганды, Бесчинствуют сквозь года.
Разбросаны в городе свежие трупы, И
стаи бродячих собак, «А в двери бушлаты, шинели, тулупы», Иначе нельзя никак...
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Mon négatif héros Est toujours sur mon dos Je bois de la bière — de la bière il boit Il vit chez
moi Il couche avec mes maîtresses À son pubis mon membre obscur se dresse Mon négatif héros
C'est à New York qu'on peut voir Se découper l'élégante silhouette de son dos
Dans n'importe quelle rue où il fait noir. Мой
отрицательный герой Всегда находится со мной Я пиво пью – он пиво пьёт В моей квартире он живёт
С моими девушками спит Мой темный член с него висит Мой отрицательный герой Его изящная спина Сейчас в Ню-Йорке видна На темной улице любой
Edward Limonov, Мой отрицательный герой, (Mon héros négatif), Poésies 1976-1982, New York-Paris, Glagol, Moscou, 1995.
(Traduction : Thierry Marignac)
***** Le voisin anglais a mis sa veste de
daim Empoigné sa copine, est
parti au ciné Et n’est pas rentré
avant deux heures du matin J’ai vu par
la fenêtre, à deux, ils sont rentrés Dans Paris si
intense est le froid Qu’on dirait la
Sibérie — de Krasnoïarsk les confins Et pas dans mon pays. « Je rentre chez moi ! » Je me dirige moi-même vers une remise à rondins Je vis comme un loup, comme un loup je mourrai J’ai mal à l’estomac, hier, je me suis goinfré Le porc que j’ai mangé, de la soie me semblait Mais je souffre à présent, j’en ai beaucoup mangé Si j’avais une femme pour me dire « Ça suffit ! Tu as assez mangé. Attends demain matin » Mais puisqu’en tête-à-tête avec moi-même, je vis Je ne mange qu’une fois par jour, un seau de bouffe à moitié plein Vers quoi cette vie va-t-elle me mener Comme tous vers ma fin, mais une fin solitaire Je vois comme me balance sans manières Dans une grande valise, un Monsieur étranger Non il n’étend pas mes membres un à un Pour qu’ils reposent légèrement sans frotter. Son syndicat, vu qu’ils sont mal payés Est en grève contre le destin… Сосед англичанин надел кожух Подругу взял и пошел в кино И не возвращался часов до двух Вернулись вдвоем, я видал в окно В Париже холод такой густой Как будто Сибирь - Красноярский край И нету дома. "Пойду ДОмой!" А сам идешь в дровяной сарай Живу как волк и умру как волк
Вчера пережрал и болит живот
Свинину ел и была как шелк
Но много съел и страдаю вот
Была бы жена, чтоб сказать:"Постой! Довольно съел. Потерпи до утра". Но так как живу я вдвоем с собой
Так ем раз в дель и по полведра
К чему эта жизнь меня приведет Как всех к концу, а конец один Я вижу как грубо мой труп кладет В большой чемодан чужой господин
Нет он не поправит за членом член Чтоб мягко лежали,не терлись бы Его профсоюз ввиду низких цен Ведет забастовку против судьбы....
Эдуард Лимонов A voir ici, un autre poème de Limonov, très drôle, "L'Envie".
Il l'a écrit après que Joseph Brodsky, fort bien introduit aux USA, ait gagné en 1981, un prix littéraire doté de 34.000 dollars. Et c'était 6 ans avant qu'il décroche le Prix Nobel de Littérature ! :
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LIMONOV PREMIÈRE PÉRIODE
Années 70 et début 80
Chagrin secret Édouard confiait plutôt ses chagrins dans ses livres ou ses poèmes. En public, avec
ses amis, il était énergique et gouailleur. Du cafard qui l’avait accablé dans le New York de l’exil dans les années 1970, de la « désillusion », titre de l’article lui ayant valu d’être
viré de « La Nouvelle Parole Russe », il ne parlait jamais, bien qu’à mon sens, celui-ci ne l’ait jamais quitté. Il l’avait transformé en vision du monde, le « désespoir
positif » dont parlait Blaise Cendrars. Celui-ci le poussa à s’enflammer dans l’activisme plus tard. Dans les « hôtels-cages » comme disait Carl Watson, il s’était trouvé au cœur
de la pire solitude, émargeant au « Welfare » et bien plus tard, même les prisons russes ne pouvaient plus le briser.
Thierry Marignac (et traduction) Tout
dans ce monde, ah !, est inutile Le costume noir du roi La petite fille en blanches bottines graciles Les livres dans d’horribles tableaux de l’effroi Les champs de la joie Est-ce —
est-ce cette terre Ce que du navire je vais crier Quelle forêt dans des toiles d’araignée Tout dans ce monde à se péter la sous-ventrière Le poisson dans les eaux
côtières La baleine sur le plateau montagneux Aux fenêtres de l’hôtel noirs sont les cieux
Que tu aimes ça ou pas tant Ta vie tu détruis Mais tu as perdu il y a déjà
longtemps Je m’éveille en mélancolie Le tic-tac
de la montre au poignet Le vent en filets Les fenêtres expient Comme
une balle dans le tympan Je suis allongé tout seul ici Le ciel tombe de son point culminant Bonjour Editchka De la passion les mystères Notre fils — tu éprouvas Tout n’est rien sur cette terre Tu te lèves et enfile ton manteau
Ta casquette tu inclines De ta chambre tu te débines Poisson du monde de Cousteau
Les cheveux en brosse coupés Je sors en beauté Personne ne peut me rattraper
Édouard Limonov, "Mon héros négatif", poèmes, 1976-1982. Все в этом мире эх зря Черный наряд короля Девочка в белых ботинках Книжки в ужасных картинках Радостные поля Эта ли — та ли земля Что я кричу с корабля Лес ли какой в паутинках Все в этом мире смешно Дождик
впадает в окно Рыба на взморье Кит в плоскогорье В окнах отеля темно
Любишь не любишь Жизнь свою губишь Но проиграл ты давно Я просыпаюсь в тоске Бьются часы на руке Ветер кудлатый
Окна в расплату Пуля как будто в виске Вот я лежу здесь один Падает небо с вершин Эдичка здрасьте Тайные страсти Вы испытали — наш сын
Все в этом мире ничто Встанешь наденешь пальто Шляпу надвинешь Номер покинешь Рыба из мира Кусто Волосы
щеткой Выйду красоткой Нас не догонит никто Стихотворения Эдуард Лимонов
Sur les villes une lune sanglante Nous deviendrons des puces, des bactéries
J’aime la lune sanglante Dans ses ruines et crevasses, j'aime mon pays
Chez le dictateur, un intellectuel sévère Et bon — simplement égaré Excellent — mais avec une vie de misères Alors le sang humain il fait couler Sous les doigts tout le cafard et l’ennui Et la mort est ennuyeuse comme un épouvantail
de pierre D’une limousine, l’enfant apercevait Comme un
panier posé, le grand Yéti Sur une falaise nordique surélevée L’enfant du dictateur sur la terre trônait Des questions sans réponses le taraudaient
Autour de lui des soldats au rouge nez Et la brise marine secoue les bananes
Les habitants ont l’air de tsiganes Et la lumière d’en haut. Et l’écume
de la mer Et le Yéti — signe que bientôt viendrait la guerre Traduction
: Thierry Marignac Кровавая луна над городами Бактериями станем. станем вшами А я люблю кровавую луну В развалинах и впадинах страну С диктатором - интеллигентом строгим Хорошим - только сбившимся с дороги
Прекрасным - но имевшим жизнь плохую Поэтому и льющим кровь людскую Под пальмами вся та ж тоска и скука И смерть скушна как каменная бука Ребенок увидал из лимузина Большая бука села как корзина На
возвышенной северной скале Диктатора ребенок на Земле Имеет нерешенные вопросы Вокруг него солдаты красноносы И ветер с моря шевелит бананы А жители глядятся как цыганы И верхний свет. И вспененное море И бука - знак войны что будет вскоре
ЭДУАРД ЛИМОНОВ, ИЗ СБОРНИКА « МОЙ ОТРИЦАТЕЛЬНЫЙ ГЕРОЙ»
ELEGIE J'aime les choux vivants Sur leurs hautes tiges J'aime voir Valentina Pavlovna Sortir de sa maison le matin La verdure calme et rêveuse Aux couleurs acides de Tourgueniev Un peu mélangées de jeunes filles Qui glissent, vêtues de rose Une vie mesurée sans bruits ni hâte La page cornée d'un livre nouveau Une maman légèrement
parfumée Qui gazouille comme un oiseau Sur la table blanche
un déjeuner multicolore De tomates, d'omelette et de lait Une main tendue dans l'air bleu Et c'est ma main. * * * Prisonnier la nuit je me promène Je promène mon regard sur le mur Pour ce que j'ai fait de moi pardonne, pardonne-moi Pour ce que je fais de moi derrière
la palissade Je suis à bout et ce n'est pas ma faute Regarde
mon visage blême est de travers Je suis un homme courageux, un soldat J'ai vaincu (déjà) ma mère, mes grands-mères
Et mon père. J'ai abattu la voisine Lydia J'ai abattu son mari l'oncle Kolia J'ai abattu le voisin Macaquenko Ecrasé le voisin Guénia et je suis parti
J'ai vaincu Motritch le poète Il est devenu ivrogne. Moi, j'observe, j'écris. Pris
de boisson, il court les rues Moi j'écris. Je me souviens. Je me tais. A quoi bon ces victoires — dites-moi ? Pourquoi ai-je fait la guerre ? Vaincre Motritch n'est pas une affaire Ce Motritch est inoubliable Je saurai en vaincre bien d'autres M'en aller. Les laisser loin derrière L'avenir m'est apparu la nuit dernière - Solitude et silence
complet Alors j'appellerai la voisine Lydia J'appellerai le voisin
Macaquenko Ma petite mère fébrilement je demanderai Et aussi mon père — où es-tu, mon humble — ohé
! Vendredi. Il n'y a rien La dernière bête et le dernier
vieux S'affairent à leur maigre repas Sous la colline glaciale Le ciel
noir est bas Les sentiers parcourus l'été Par les
hommes, les chiens et les hérissons Recouverts de feuilles glissantes Seul le vieux sourd et vorace Donne son dernier souper La
terre débridée vide et folle N'a rien à vendre Et le ciel est tel Qu'une fille d'ailleurs en robe blanche Va y apparaître Vendredi
* * *
Sous le soleil rare Fume cette cage Terre à nous allouée Par Limonov habitée Il n'est pas vieux encore Mais déjà sauvage et ridicule Ainsi Tchourilof ne sait pas Que Limonov est un grand poète Pourtant nous sommes amis Quand il le saura Je ne serai plus en vie Il habite à Kharkov la paisible Semblable au désert en été
Jamais il n'a vu mes vers Jamais tenu entre les mains Ils sont encore nombreux à ne
pas savoir Que Limonov est un poète — Quel poète ! Et moi je me réveille avec ce sentiment
Et je vais dormir avec lui Je connais mon destin Il me fait frémir
Il me fait signe du doigt Un complot est sur ses lèvres Non je ne veux pas de cette
énigme Je suis sourd à tes desseins Ne révèle
pas ce qui sera Dans le suc doré du soleil Baignaient les
bancs publics Les invalides et les malades Se taisaient assis
Voilà plus d’une heure je fouille mes plaies Familier de toujours des
ténèbres J’arrache tout un peuple de croûtes Ah,
que tu es donc belle Je voudrais te manger en bâfrant T’accompagner de feuilles tendres Nous nous sommes couchés sur un lit Je danse et toi aussi Que l’amour répande ses odeurs C’est si bon et si triste Mes narines frémissent à l’aube Des toits rouges je découvre la vallée
Vivre ainsi, vivre ainsi Et pleurer doucement Humectant la blancheur du mouchoir. (Traduction de Nadia Blokh)
CE SITE EST CONSACRÉ A EDOUARD LIMONOV
Il actualise le livre d'Emmanuel Carrère, avec photos et vidéos rares, et quantité d'informations inédites (2018) Voir la 1ère page, très complète, ici : http://www.tout-sur-limonov.fr
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